“Insufflez du storytelling dans vos contenus !” C’est ce que les expert·es en marketing –moi compris– vous disent aussi souvent qu’il ne pleut en automne. Mais concrètement, ça veut dire quoi ?
Pour nous en parler, j’ai contacté Alizée, plus connue sous le nom d’Aparecium. Elle écrit des histoires depuis ses 10 ans. Du journal intime au journal du collège, l’écriture a toujours été dans son quotidien.
Aujourd’hui, son univers magique inspiré d’Harry Potter est sa marque de fabrique en tant que storytelleuse.
Et je ne voyais qu’elle pour vous raconter comment cette incroyable technique marketing peut changer votre manière de communiquer !
Peux-tu expliquer ce qu’est le storytelling de marque et pourquoi c’est important ?
Le storytelling est une technique de communication narrative. C’est la mise en récit d’une marque, qu’elle soit personnelle ou non. C’est raconter une histoire pour faire passer un message, pour promouvoir des valeurs, pour connecter émotionnellement avec son audience cible. C’est évidemment relié à des objectifs stratégiques (image de marque, fidélisation, …), mais c’est moins « direct » que la vente pure et dure.
Qu’est-ce qu’on entend quand on dit “communiquer de façon authentique”, “incarner nos valeurs”, “être vrai” ?
C’est pas évident d’expliquer comment être authentique parce qu’en fait, ça devrait être naturel. Mais selon moi, il faut remettre le sens au coeur de sa communication. Pourquoi on fait ça. De parler d’humain à humain. Et “être vrai”, c’est juste ça, échanger avec des gens en racontant une histoire, en établissant un lien de confiance. Les questions à se poser sont : qu’est-ce qui résonne avec ton audience ? Quelles valeurs tu veux transmettre ? Quelle histoire tu veux raconter pour les transmettre ? À partir du moment où tu sais pourquoi tu fais ce que tu fais –le fameux “why”– tu vas partager plus naturellement une histoire qui a du sens pour toi, avec les bonnes valeurs et le bon message. Et tout ça, c’est « être vrai ».
Est-ce que tu te retrouves parfois face à des client·es qui te disent “je ne veux pas tout dire, comment je fais ?”
Oui, c’est une grosse question qui revient souvent. Le storytelling peut faire peur en ce sens car ça touche potentiellement à quelque chose de plus intime. Mais quand on revient au “pourquoi j’ai créé ma boîte”, “quels messages je veux faire passer”, ça devient plus facile. Par exemple à mon niveau, j’aide les entrepreneur·es créatif·ves à vivre de leur passion. Et tout par de là. Même si souvent, ce sont les solopreneur·es eux-mêmes qui font face à des croyances limitantes comme “je sais pas par où commencer”, “mon histoire n’est pas intéressante, “j’ai rien fait de fou”. Mais il faut savoir qu’on n’a pas besoin d’avoir grimper le Kilimanjaro pour faire du storytelling. Je suis une adepte d’embellir les petits riens du quotidien. Le plus important c’est de trouver ce avec quoi ils vont être à l’aise. Et puis l’histoire peut aussi être inventée au lieu de partir de vous. En revanche, il ne faut pas mentir dans les valeurs qu’on veut transmettre. Une bonne histoire n’est pas forcément vraie dans les faits, mais elle est vraie dans les émotions qu’elle fait passer.
Quelles sont les erreurs les plus communes que les entreprises font en essayant de créer leur storytelling ?
Ça dépend de chaque histoire et de chaque personnalité. Mais c’est d’abord d’en faire trop. Je pense à une page à propos qui referait tout le curriculum vitae de la personne. Un cv c’est bien pour Linkedin, mais ça ne raconte pas d’histoire et ne fait pas passer d’émotions. Puis, l’autre “erreur” que je remarque, c’est chercher à être trop lisse, car certain·es se disent “faut pas que je fasse de vagues”, alors que ce sont les aspérités d’un parcours qui en font aussi tout l’intérêt. C’est ce qui fait que les gens vont se reconnaître.
Selon toi, quels sont les éléments indispensables d’une histoire de marque captivante ?
Même si on est dans une dynamique business, la première chose à laquelle je pense, c’est d’aimer son histoire parce que c’est comme ça qu’on va bien la transmettre. Je pense aussi qu’il est bon d’avoir des temps forts qui donnent des repères à l’audience et facilitent l’identification encore une fois. On va dresser un peu un parcours avec des obstacles et un enjeu. On veut un fil rouge à suivre pour l’audience. Le ton, le rythme, le point de vue qu’on va amener, ce sont plus des éléments de forme que l’on donne à l’histoire.
Ensuite il y a le fait de déterminer un peu qui est le héros de l’histoire ? L’entrepreneur·e / la marque, ou bien les clients ? Il n’y a pas de réponse universelle, ça va dépendre de ce qui est proposé, mais en général quand on est prestataires de services, le client est souvent le héros et, toi entrepreneur·e / marque, tu interviens en guide pour l’accompagner. Si tu vends des produits, tu peux être le héros ou le guide. Imaginons, tu vends des crèmes pour l’acné : les clients ont des problèmes de peau, donc toi tu interviens en tant que héros avec la solution à leur quête pour une plus belle peau (aka la crème).
Comment une entreprise peut-elle trouver et définir ce « pourquoi » unique qui résonnera à travers son storytelling ?
Ça dépasse un peu mes compétences, car on touche à la stratégie de marque et au positionnement, mais c’est dans ce qui vibre et résonne en toi avec les valeurs, le message, l’offre que tu proposes. Le pourquoi peut être très personnel, mais cette étape arrive avant l’introspection que tu peux faire pour établir le storytelling. C’est le socle fondateur de ton entreprise. Tu le sais dès le début, c’est juste la mise en mots qui est souvent plus difficile à formuler. Mais la question à se poser pour moi, ce serait : qu’est-ce que je ferais / continuerais à faire si je n’avais plus aucune contrainte (argent, temps, etc.) ? Et c’est là qu’on peut aller creuser un pourquoi, une motivation profonde.
Qu’est-ce que tu aides tes clients à définir concrètement pour établir leur storytelling ?
Il y a d’abord l’étape d’introspection guidée où je vais poser les bonnes questions pour mettre le doigt justement sur cette motivation profonde, sur quel sens iel donne à son activité pour définir l’histoire à raconter. Puis après je les aide à définir les grandes lignes de leur histoire, donc les temps forts dont je parlais tout à l’heure. Ça peut être chronologique ou via des déclencheurs. Pour ensuite venir structurer l’histoire, notamment avec le schéma narratif (un outil assez classique). On va poser l’environnement, le contexte, le cadre, l’enjeu… C’est ce qu’on appelle la situation initiale. Puis après il se passe quelque chose, il y a de l’action, des péripéties, du mouvement, des obstacles à surmonter. Et enfin, on a la résolution. Ça peut paraître trop orchestré comme pour le cinéma, mais en réalité, c’est simplement avoir un début et une fin, et des choses qui se passent au milieu. Et mon travail c’est de le raccrocher à un objectif d’entreprise évidemment.
De quelle manière les entreprises peuvent-elles assurer la cohérence de leur storytelling sur différentes plateformes et canaux de communication ?
C’est grâce à la partie introspection que le storytelling va être nourri en fait. Je vais y récupérer des anecdotes par-ci, une anecdote par-là. Et l’idée c’est d’aller creuser pour trouver des idées de sujets à décliner en articles de blog, sur les réseaux sociaux, etc. Je leur crée une liste assez conséquente d’idées de sujets pour que le ou la cliente pioche dedans. Par exemple : par rapport à ce que tu as vécu ici, ou par rapport à cette valeur qui a l’air de te tenir à coeur, ou par rapport au pourquoi tu as quitté ce job, tu vas pouvoir t’appuyer dessus pour créer tel contenu.
Ensuite, je conseillerais de se créer une charte éditoriale pour récapituler les valeurs, le ton employé, les convictions, le point de vue, etc. Dans l’idéal, je conseille d’avoir ces deux supports pour vous guider : la liste d’idées de sujets (super bonus avec un calendrier éditorial !) et la charte éditoriale.
Quel rôle le storytelling joue-t-il dans l’engagement du public et la construction d’une communauté autour d’une marque ?
Le storytelling a un petit côté « enrobage » au sens où on va donner envie à l’autre de rentrer dans un univers, dans un cocon. Et ça crée de la confiance car les gens vont se dire que la marque nous partage quelque chose d’assez spécial, que ce n’est pas juste “tiens, je te vends un produit (pas cher)”. En plus, ça crée un lien de proximité, surtout quand on est solopreneur·e, c’est vraiment d’humain à humain comme relation. Tu peux connecter, t’identifier, te projeter et c’est super important de nos jours, surtout avec l’arrivée de l’IA qui, quand elle est mal utilisée, risque de lisser les choses. Mais s’il n’y a pas de storytelling, il n’y a pas d’histoire, il n’y a pas de connexion, il n’y a pas d’émotions. Et aujourd’hui, il ne suffit plus de créer une super offre, il faut plus. Si on reprend l’idée de la crème pour la peau, moi personne avec de l’acné, j’espère trouver de la bienveillance, de la compréhension (peut-être avec le témoignage du fondateur ou de la fondatrice qui elle aussi, a vécu ça. C’est comme ça que ta cible va se projeter, va peut-être même devenir fidèle à ta marque, et c’est là où le storytelling peut être très puissant, parce qu’il vend de façon plus douce, et sur le long terme. En bref, il faut trouver ce que toi, tu as envie de partager et ce qui va résonner avec l’audience que tu veux toucher.
Est-ce qu’on peut vraiment mesurer l’efficacité du storytelling de marque au-delà des ventes ? Y a-t-il des indicateurs clés à surveiller ?
C’est pas comme le SEO où on peut mesurer le trafic, ou les pubs avec les conversions. pour moi, c’est peut-être plus du côté de l’engagement et de la fidélisation, jusqu’à créer des « ambassadeurs naturels ». C’est aussi dans la satisfaction client, grâce à l’expérience et aux émotions que l’on va vivre au contact de la marque.
Quels conseils donnerais-tu aux petites entreprises qui débutent avec des ressources limitées pour développer leur storytelling ?
Tu as surtout besoin de prendre le temps de faire ce travail d’introspection et d’avoir envie de partager une histoire, de connecter avec les gens sans objectif direct de vendre. On travaille son storytelling pour parler aux bonnes personnes, de la meilleure façon qui soit, celle qui résonne et connecte, mais aussi pour créer la confiance qui fera que les gens vont acheter chez toi. On est à une étape quasi transversale et omnicanale. Et sur le long terme, finalement.
Est-ce que tu vois des tendances en storytelling ? Comment ça va évoluer avec le temps en prenant en compte l’IA ?
Je pense que le storytelling va prendre de plus en plus de place dans le sens où il ne suffit plus d’avoir une bonne offre, il faut raconter quelque chose. Et c’est pas pour rien que les pubs qui fonctionnent le mieux à la télévision sont des pubs comme Intermarché. On ne voit plus juste le produit avec la promo à côté. Maintenant il y a tout un scénario, c’est parfois presque un court-métrage avec une musique, l’histoire, des personnages avec le fameux schéma narratif (situation, péripéties et résolution) et ça fonctionne. Ça donne envie d’aller chez Intermarché alors qu’ils ne t’ont (presque) pas parlé de leur produit. Et si l’histoire te plaît, tu auras tendance à aller chez eux, car une image positive est ancrée dans ton cerveau. Aldi a fait le même travail pour sortir de son image discount. C’est pas juste du « pas cher » pour ceux qui n’ont pas d’argent. Maintenant, ils accompagnent les jeunes à ne pas dépenser des sommes faramineuses pour pouvoir continuer à se faire plaisir, et par exemple pouvoir se faire un bon repas entre potes. L’histoire impacte la vision qu’on a de la marque. Encore une fois, ils n’ont vendu aucun produit. Ils ont juste vendu une histoire qui a mis en confiance, permis à l’autre de se projeter et voilà là où est toute la force du storytelling. En plus, ça s’adapte à tous les supports de communication (photos, vidéos, audio, écrit). Et c’est ce dont on a besoin pour se distinguer des contenus bruts génériques faits par l’IA. La réalité augmentée va sûrement aussi se faire une place et le storytelling sera omniprésent, ce qui permettra de rééquilibrer les choses.
Merci pour cet échange Alizée. J’espère qu’on aura doner envie aux entrepreneur·es de se lancer dans le storytelling pour humaniser la communication autour de leur activité !
Vous pouvez Alizée retrouver sur son compte Instagram : @aparecium.redac
